Mr Fernand NÉDÉLEC.

Fernand NÉDÉLEC est né le 5 mai mil neuf cent vingt-quatre. IL a aujourd’hui 99 ans ! Né à MINORVILLE, petite commune de la Petite Suisse Lorraine, la place de la Mairie porte son  nom; le maire fit un référendum pour savoir qui choisir entre Fernand et Mme Simone VEIL. Il était fier d’avoir été choisi par ses concitoyens et largement.

En 1940, il a seulement 16 ans, il occupe une chambre chez sa tante dans le toulois. Au-dessus de sa chambre, celle qu’occupa un officier français qu’il aimait bien, dont il n’aura aucune nouvelles, elle fût cédée à un officier Allemand dont l’ordonnance agace aussi Fernand. Il ne supporte pas d’entendre les bottes de cet envahisseur monter ou descendre l’escalier de bois et marcher au-dessus de lui. On pense à l’excellent roman de VERCORS :”Le silence de la Mer“ .Il dira que son engagement était épidermique :

Mieux, il cachera des armes dans sa chambre, l’officier allemand dormant juste au-dessus. Cela le faisait sourire, mais sa tante va le voir et lui interdira de continuer. Il continuera quand même ! Car FERNAND est têtu. Il a reconnu avoir eu l’inconscience des jeunes devant les dangers, d’où il disait ne pas avoir eu finalement tellement de courage. Il refusait que l’on, dise de lui qu’il était un héros.

Peur ?… Il m’a dit avoir toujours eu peur en traversant dans les bois un coin a découvert, pouvant se faire tuer sans rien voir venir, surtout en groupe constitué.

FERNAND refuse l’occupation allemande et ses tracasseries permanentes;  « PAPIER, BITTE ! “

–Il ressent physiquement l’absence de Liberté et m’a dit plusieurs fois : « On ne sait ce qu’est la Liberté que quand on l’a perdue ! »

Il entre donc dans la Résistance à Toul a dix-sept ans. Il est élève  au collège Rigny  de Toul ,que je fréquenterai aussi : cet établissement regroupe l’école primaire de la onzième à la septième, puis le collège de la 6ème à la 3ème, et des classes d’apprentissage dont les ateliers jouxtent la maison de mes grands-parents . Le hasard me fera aussi partager avec Fernand un autre collège, celui de CHAUMONT s’appelant VOLTAIRE. Il y est allé en mil neuf cent quarante. Il a été heureux de pouvoir en  parler avec quelqu’un qui le connaissait. Pourquoi CHAUMONT ? Je ne le sais pas.

Dans la RESISTANCE, son chef, Paul CHEVRIER, collégien avec lui à TOUL, le prend pour adjoint. On commence par être dizainier puis on lui confiera une quarantaine en mars 1943 (40 hommes) .CHEVRIER, surnomme -CHE -CHE, est arrêté et décapité en Allemagne sur dénonciation  d’un camarade qui avoue tout sous la pression de son père militaire vichyste notoire! Ce traître, comme il disait, accompagné de son, père, le croise dans la rue à TOUL. Fernand pense qu’il est perdu. Mais non, son camarade va avoir assez de fierté pour faire comme s’il ne connaissait pas FERNAND. Il dira qu’il a trahi à cause de son père uniquement.

Fernand doit  donc refaire son groupe, qui a éclaté  avec d’autres arrestations ;il  n’a pas été pris car en vacances dans sa famille dans le sud. Il devient alors cheminot et entre dans la Résistance  » FER » avec les FTP,( dont il disait qu’ils n’étaient pas tous communistes, lui étant socialiste), faisant essentiellement des sabotages, dont beaucoup sur ordre de LONDRES pour bloquer les renforts en hommes et en  matériels envoyés en Normandie. Si le chauffeur de la loco est français, le train saute plus loin en arrière .Sinon, il saute de la loco! Il arrivait toujours à savoir.

Au sujet de dénonciations, me trouvant à Toul, quartier St Mansuy chez la meilleure amie de ma mère Yvette, Fernand vient avec son épouse Alice, avec qui il vivra 6O ans, toujours très élégante avec de grands chapeaux. (il perdra son fils unique Bernard en 2006)

Et là, racontant comment CHEVRIER avait été dénoncé pour avoir cassé les balises de la piste d’aviation de la Croix de Metz (jouxtant St Mansuy) utilisée par les avions nazis, il est vu par un paysan rentrant chez lui. Ce même individu verra deux gendarmes à bicyclette voyant CHE CHE faire ce sabotage sans intervenir. Les trois seront arrêtés,  le paysan recevra trois primes de la Gestapo : FERNAND est sidéré; il pensait ne jamais savoir…Des deux gendarmes,  un seul reviendra : il s’appelait KIRCHER, papa d’une amie d’Yvette surnommée KIKI. Le monde est petit, ce dénonciateur n’avait pas vu qu’il avait été vu lui-même !

Le 6 juin 1944, date symbolique s’il en est, il fait évader 30 tirailleurs sénégalais et doit maîtriser trois soldats allemands venus les chercher avec un camion,  ce qui n’était pas prévu au programme !

Son maquis, appelé MAQUIS 15, libère les villes de Blénod-lès-Toul, TOUL-Ville St-Etienne.

M. NEDELEC s’engage alors dans un régiment d’Infanterie, à la 6ème Cie du cent  quarante-six R.I., qui libère FORBACH où il est nommé aspirant. Le Maire de FORBACH l’invitait chaque année pour l’anniversaire de cette libération. Il sera appelé de ce fait par certains “mon lieutenant “,  un mélange affectif de reconnaissance et de douce camaraderie un peu moqueuse.

 Il a écrit un livre de souvenirs en 1999 : « TOUL FORBACH 1940-1945.”–

J’ai établi une liste alphabétique des noms propres, mais la réédition a été faite trop tôt pour l’ajouter. On la remarque car la couverture a une bande tricolore.

Malgré son âge, il a continué l’autre combat de  la transmission de la Mémoire, pour que l’on n’oublie pas ses « copains » morts, à qui il doit le souvenir permanent d’un rescapé…Cette obligation morale, dont il parlait souvent, était une réelle dette pour lui.

Ainsi, depuis  le nord de NANCY où il habitait, FERNAND  organisa une collecte de livres ou de chèques activement chaque année pour le Concours National de la Résistance  et de la Déportation. Il gèle, sa voiture ne démarre pas pour aller de NANCY à TOUL. Il part donc à pied chercher un bus qui le laissait porte de France, où  il devra beaucoup marcher pour obtenir des dons. Une année, quatre maires ont refuse de lui donner quoi que ce soit. Il me les a cité. Un des maires, que je connais trop bien, bien que racontant son grand attachement a la transmission de la mémoire, l’a obligé de venir quatre fois, car absent trois fois, pour lui dénier finalement toute aide. Il en avait gros sur le cœur, et était en colère de son inconscience. Car pour lui, il estimait qu’un maire rémunère pouvait casser un billet de vingt euros de son portefeuilles, s’il ne pouvait prendre le don ailleurs :il avait raison, car il n’était pas de payé de son essence.

 Il a donné des centaines de conférences. J, en ai donné que deux avec lui, à LIVERDUN au collège GRANDVILLE les deux fois.

L’une s’est faite avec une émission télévisée scolaire en direct, avec la secrétaire d’Etat DARRIEUSSECQ et trois personnes déportées. Au départ, il en était fâché, me demandant si j‘étais dans ce traquenard! J’ai même craint ainsi que la professeure, qu’il ne parte de colère… La professeure avait organisé cela sans rien me dire .Mais finalement, il a bien aimé.

L’autre fois, venant d’habitude au moins trente minutes avant son intervention, il est absent. Il me dit venir en  retard ; toujours absent…Je le rappelle, il me dit alors ne pas pouvoir venir, trop malade, et surtout, me fait promettre, une fois mon intervention terminée, de venir directement chez lui, car il est très mal !

Je découvre Fernand en difficultés cardiaques graves ; il accepte que j’appelle le SAMU. Sur place, le SAMU va le gifler plusieurs fois quand sa tête par trois fois en  arrière sur un malaise sérieux. Je me dis que je vais assister a la fin de cet ami cher,  dévoué jusqu’à sa fin.

Il refusera de reconnaître avoir été giflé par cette assistante médicale, disant : RESTEZ AVEC NOUS MONSIEUR, répétant cette phrase en lui donnant des gifles assez vives. Mais ouf, il va se réveiller…Comme deux collégiens, je lui en parlais souvent pour le taquiner…Le SAMU décide de l’emmener d’urgence sur une chaise dans sa maison, en lui demandant de ne rien prendre pendant qu’il est transporté. Il ne répond pas Je vois alors un petit meuble avec des clefs posées dessus juste derrière son entrée: hop, mine de rien Fernand a pris le trousseau ! Dans l »ambulance, il semble rassuré. A l’hôpital, on a perdu ses lunettes. Sans jeu de mots, je fais les gros yeux au personnel qui répond ne pas les avoir retrouvées. Mon insistance de flic va miraculeusement permettre de les retrouver: Fernand est ravi. Le voir en chemise de nuit me fait de la peine. Et j’apprends alors qu’il a déjà fait un malaise et qu’un pace-maker devant lui être posé, qu’il est parti sans signer de décharge, comme on s’évade d’un stalag ! Mais l’hôpital a son dossier . Cette fois, il a compris, il accepte la pile en question.

A son décès, je me suis rendu compte que je l’avais considéré comme un oncle, car comme mon père, il avait l’accent toulois très particulier, peu perceptible que des autres toulois.

Bien sûr, il a reçu bon nombre de médailles dont la Légion d’Honneur mais surtout la médaille de la Résistance. Et il a œuvré pour la Réconciliation avec l’Allemagne  au sein de la CAFA (cercle amical France-Allemagne) où il est allé en Allemagne. Il répétait souvent que le racisme est le pire des maux, conduisant aux pires des guerres.

Il ajoutait : “ Pour recevoir, il faut donner “ et ne pas se recroqueviller ! Il prône la tolérance et l’altruisme.

J’adhérerai à l’association du Musée de Vezelise dont il fût le vice-président. Œuvre  de Mémoire remarquable.

Bon vivant, avec son humour au coin des lèvres, les yeux pleins de ruse, le regard malin,  il venait avec une bouteille de NUITS ST GEORGES quand invité à dîner. Il est mort le 11I/O2/2020, quelques semaines avant de venir à la maison pour fêter son quatre-vingt-seizième anniversaire.

A chacun de nous de suivre son engagement auprès de la Jeunesse.

 

 

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