Libres propos.

Libres propos à la suite de la pétition mise en ligne par le Collectif des Retraités de la Police et des Femmes des Forces de l’Ordre en Colère et de la Conférence de presse du 11 août 2023 à Aix-en Provence

Je crois utile de revenir sur cette tribune et cette pétition qui ont été mises en ligne la semaine dernière par un collectif de policiers retraités animé par mon ami, le Major honoraire Léon Beraudo, et auxquels se sont associées les Femmes des Forces de l’Ordre en Colère, car la transcription par la Presse de ces événements, et notamment dans La Provence le 12 août 2023, à la suite de la conférence de presse que nous avons tenue à Aix-en-Provence, ne reflète pas vraiment les propos et argumentations que nous avons developpés ce jour-là.

Le sens premier de cette tribune c’est un véritable cri de colère, de mécontentement, voire de douleur que nous avons exprimé à la place de nos collègues qui du fait de leur activité sont réduits au silence, et nous avons voulu aussi relayer en tant que citoyens la voix de la grande majorité silencieuse aussi du peuple français qui aime les forces de l’ordre, en particulier la Police Nationale.

Cette tribune a mis en exergue la déstabilisation du Corps de la Police Nationale provoquée par l’acharnement judiciaire auquel nos collègues en activité sont soumis depuis plusieurs semaines, et du fait également que ceux qui ont été mis en cause se sont trouvés placés en situation inégalitaire par rapport à la loi et au droit commun.

Personnellement, en cinquante ans d’activité et de retraite, je n’ai jamais connu une telle situation de crise, même si notre Corps a connu quelques moments de fièvre soit avant 1981, soit après au moment de l’alternance politique qui eut lieu au sommet du pouvoir.

Il faut avoir l’objectivité de noter que les membres des Forces de sécurité intérieure ont été sur la brèche depuis l’année 2016, année de toutes les manifestations hostiles au projet de loi El Khomri sur le travail, puis à partir d’octobre 2018 avec le Mouvement des Gilets Jaunes qui s’est achevé au printemps 2020. Sans aucune pause, la tension sociale a repris de plus belle avec les manifestations de grande ampleur contre le projet de loi de loi sur les retraites qui ont pris fin au printemps 2023, et puis ensuite l’affaire de Nanterre s’est produite le 27 juin, jour où un jeune homme a été abattu par un motard de la Police Nationale en situation de légitime défense, car l’auteur des faits, possédant 15 mentions judiciaires à son actif, conduisait tout d’abord très dangereusement avec une voiture de grosse cylindrée et enfin a refusé en bout de course d’obtemperer aux ordres d’arrêt qui lui ont été donnés par deux motocyclistes de la police.

Voilà donc depuis plus de six ans que policiers, gendarmes, pompiers sont confrontés à des manifestations de rues très violentes à Paris et en province, entraînant des milliers de blessés parmi les forces de l’ordre , dont certains très gravement, sans compter les dégradations et incendies en tout genre.

Ne serait-ce que depuis le début de l’année 2023, en ne comptant que les manifestations s’oposant à la réforme des retraites et aux émeutes quasi-insurrectionnelles de fin juin-début juillet, faisant suite à l’affaire de Nanterre, le bilan humain est considérable avec 2000 blessés dans la police et la gendarmerie. Durant le même semestre, les forces de l’ordre ont dû en outre s’oposer aux écolos- terroristes qui voulaient dégrader les bassines d’eau à Saint-Herblain (Deux-Sèvres) en mars 2023, puis les mêmes qui se sont opposés ensuite au percement du tunnel sous le Mont Blanc du 16 au 18 juin 2023 .

C’est dans ce contexte très particulier depuis six mois, avec une accumulation sans précèdent de manifestations urbaines et rurales très violentes, mais aussi d’émeutes quasi-insurrectionnelles généralisées, que nos collègues ont été mobilisés à plein temps, voire suremployés, avec des congés et des jours de récupération supprimés, ou maintenus en service après leurs heures d’emploi; et c’est toujours dans ce contexte-là très particulier que l’autorité judiciaire, suite aux affaires de Nanterre et de Marseille, a procédé et fait procéder à plusieurs enquêtes visant la Sécurité Publique, les CRS, le Raid et un peu les gendarmerie.

C’est aussi la raison pour laquelle j’ai décidé de me rallier à la tribune émanant du collectif des policiers retraités, et cela même si la hiérarchie était un peu égratignée dans ses lignes. Mais l’heure était au rassemblement, pas à la discorde , ni à la guerre entre la base et le sommet de la hiérarchie.

Ceci étant exposé, il convient de revenir sur tout ce que nous avons dit aux journalistes le 11 août 2013, en termes de constats de la situation, mais surtout en termes de propositions d’amélioration de la condition policière, tant sur le plan matériel que juridique.

Les sujets abordés furent les suivants, et cela sans les classer par ordre de priorité :

1-La protection fonctionnelle des fonctionnaires de police et de leurs familles.

Certes elle est inscrite dans la loi – articles L 113-1 et suivants du Code de Sécurité Intérieure- ainsi que dans le code de déontologie- dans le cas d’attaques et de mises en cause des policiers dans leurs fonctions ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions , mais aussi de leurs familles. Cette protection comprend la prise en charge des frais d’avocat et le remboursement des frais de santé. Toutefois en pratique la mise en oeuvre de la protection fonctionnelle est fastidieuse, et en outre elle ne couvre pas tous les dommages corporels subis par le policier , notamment quand ils résultent d’une faute involontaire de leur auteur. Par ailleurs, l’indemnisation est souvent très longue à intervenir. Le Ministre de l’Intérieur s’est engagé le 27 juillet à améliorer le dispositif existant, et nous considérons que c’est un chantier urgent et prioritaire. Il serait en particulier nécessaire de créer un guichet unique pour simplifier les demandes des policiers.

2-L’usage des armes par les policiers et les conditions de la légitime défense.

Ces actions, il est vrai, sont bien codifiées, tant par la disposition de droit commun sur la légitime défense prévue à l’article 122-5 du code pénal, que pour l’usage de leurs armes administratives dans cinq cas bien distincts que le législateur a autorisés dans la loi du 28 février 2017, quelques temps après les attentats terroristes meurtriers de 2015 et 2016.

Parmi ces cinq cas, il est prévu notamment que les forces de sécurité intérieure «peuvent faire usage de leurs armes, en cas d’absolue nécessité et de manière strictement proportionnée lorsqu’ils ne peuvent immobiliser autrement….des véhicules, embarcations, ou autres moyens de transport, dont les conducteurs n’obtempérent pas à l’ordre d’arrêt, et dont les occupants sont susceptibles de perpétrer , dans leur fuite, des atteintes à leur vie ou à leur intégrité physique ou à celles d’autrui»…c’est typiquement le cas d’espèce dans lequel le policier a tiré à Nanterre le 27 juin dernier, et pour lequel il a été mis en détention provisoire et précisons-le, «sans bénéficier de visites».

C’est donc un chantier prioritaire que les pouvoirs publics doivent régler sur le plan réglementaire, législatif, en instaurant une présomption de legitime défense pour les forces de l’ordre, afin que la charge de la preuve ne soit plus à établir du côté de la police, mais de ceux qui l’attaquent.

Par ailleurs, il serait nécessaire que les enquêtes sur ces faits soient confiées à un Pôle Judiciaire (tout comme les pôles financiers) comprenant des parquetiers et des juges d’instruction spécialisés à ce genre d’affaires, qui connaissent la jurisprudence, mais surtout les conditions réelles de travail des policiers qui n’ont en régle générale, et en pratique sur le terrain que quelques fractions de secondes pour riposter à des attaques meurtrières.

C’est également un chantier urgent et prioritaire.

3-L’emploi des armes intermédiaires, non létales.

Il faut noter tout d’abord que, depuis quelques années sous la pression d’associations droitsdelhommistes, les Forces de l’ordre n’ont plus le droit de se servir de grenades offensives, les grenades lacrymogènes instantanées (GLI-F4) ont été remplacées aussi en 2018 par des grenades lacrymogènes instantanées sans TNT (GM2L), et en cas d’interpellations d’individus dangereux, ils ne peuvent plus pratiquer ni la clé d’étranglement, ni le plaquage ventral car ces gestes techniques sont désormais prohibés.

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Les FDO ne disposent plus à l’heure actuelle que d’un bâton de défense Tonfa, de bombes lacrymogènes à main, de deux sortes de grenades, la grenade de désenclerclement et la GM2L précitée, ainsi que le lanceur de balles de défense (LBD 40) . Quant au RAID, il dispose des mêmes armes intermédiaires, et en plus de projectiles de calibre 12, non létaux appelés «bean bang» et pour lesquels certains de leurs membres sont mis en cause après la mort d’un manifestant à Marseille – Mohamed Bendriss- dans la nuit du 1er au 2 juillet.

Concernant le LBD 40 dont l’usage est très critiqué par certaines associations et partis politiques, il faut tout d’abord savoir que lorsque la police en a été dotée en 2009, ce lanceur avait 200 joules de puissance, et qu’après une campagne polémique provoquée par des associations, cette arme a perdu de sa puissance, d’abord 70 joules et aujourd’hui à peine 30. Ce qui fait que la portée de cette arme tirant au départ à 50 mètres, n’a plus aujourd’hui qu’une portée réelle de 30 mètres. Par ailleurs, la distance est très variable selon les situations rencontrées, dix mètres étant la distance minimum.

Le fonctionnaire ne peut l’utiliser aujourd’hui que sur cette distance, sous le contrôle d’un collègue superviseur chargé d’analyser la situation et d’identifier les cibles. En outre, le tireur doit privilégier le thorax de l’agresseur, ses membres inférieurs ou supérieurs, mais en aucun cas la tête.

Après le ou les tirs, le fonctionnaire remplit un document intitulé «traitement statistique d’usage des armes» (TSUA)», qu’il y ait eu interpellation ou non. Dans ce document cosigné par le superviseur, il doit relater le choix du tir, et le ou les impacts. Ce document est enregistré dans une base de données accessible à tout moment par l’IGPN.

Le policier est habilité à s’en servir après une formation initiale d’une journée (six heures – trois de théorie- trois de pratique), au cours de laquelle il ne tire que 5 cartouches. A l’issue, il obtient une habilitation pour trois ans, et chaque année, en formation continue, il s’entraîne à tirer 3 cartouches seulement.

Il tombe sous le cens que la formation, qu’elle soit initiale ou continue, en matière d’utilisation de ces armes intermédiaires, notamment pour le LBD 40, doit être améliorée.

 4-Le maintien et le rétablissement de l’ordre :

Les dispositifs policiers ou gendarmiques prévus pour encadrer des manifestations, déclarées ou non déclarées pouvant dégénerer, sont en principe bien cadrés et obéissent à une doctrine et à un schéma de maintien de l’ordre réglementaires qui permettent aux forces de l’ordre d’éviter les contacts rapprochés avec les manifestants et surtout d’assurer le libre exercice des droits de manifester et de se réunir.

Ces dispositifs sont appelés à s’adapter si les situations évoluent au cours d’un service de maintien de l’ordre, et ce fut notamment le cas, ces dernières années avec l’apparition de groupes mobiles et radicaux qui ont de manière récurrente perturbé gravement le déroulement des manifestations pacifiques.

A Paris, il a été donné de constater une certaine confusion ces trois dernières années sur la tactique et la stratégie employées pour diriger les unités mobiles de Maintien de l’Ordre, et notamment avec les changements successifs de préfets de police (Lallement puis Nunez).

C’est ainsi qu’on a vu des unités maintenues de manière statique durant des heures, puis mobile les fois suivantes ; ensuite on a fait intervenir des groupes plus rapides tels la compagnie de sécurisation de la Préfecture de Police de Paris, des BAC, de la BRI, des Brav-M (brigades de répression des actions violentes – Motorisées), dans un ordre un peu fantaisiste.

Nous avons également assisté ces derniers temps au fait que des unités de CRS et de GM doivent reculer devant les assaillants, ce qui ne se faisait jamais; puis ensuite, une fois qu’elles bouclaient un quartier ou qu’elles procédaient à des «nasses», ces unités étaient entourées de badauds qui se promenaient librement dans leurs rangs, au risque d’agressions spontanées et imprévisibles, sans compter la nuée de soi-disants représentants de la presse et de soi-disant secouristes et «medics», pour la plupart non accrédités, qui collaient aux basques des unités, et même carrément face à face avec elles, du jamais vu…!

Concernant par ailleurs le commandement de l’usage de la force pour dissiper des attroupements violents non déclarés, et donc non autorisés, seules des autorités civiles pouvaient faire des sommations au sens de l’article 431-3 du code pénal soit : le préfet du département ou un sous-préfet désigné par lui, le maire ou un de ses adjoints, le commissaire de police, ou un officier désigné par lui, et c’était tout.

Mais désormais, le décret N°2021-556 en date du 5 mai 2021, modifiant l’article précité, a rajouté à ces autorités un directeur des services du cabinet et un officier de police judiciaire de la gendarmerie nationale.

Ce qui est aberrant car quelle est la qualification en l’espèce d’un «directeur des services du cabinet», et quant à l’OPJ de la gendarmerie nationale, le décret déroge au principe de «l’autorité civile» pour faire les sommations, car cet officier est d’une part un militaire et d’autre part il y a confusion des rôles : il agit en tant qu’autorité pour faire les sommations et d’autre part il commande l’unité de réserve mobile appelée à intervenir. Cette dualité déroge aux règles de droit.

En ce qui concerne Paris, il me parait évident que les Commissaires de police qui étaient au contact des unités de MO lors des manifestations étaient complétement occultés par l’autorité préfectorale siègeant dans la salle de commandement radio, ce qui constitue ici aussi un dévoiement de la législation et de la doctrine d’emploi du maintien de l’ordre.

Pour ce qui est des émeutes insurrectionnelles que toutes les grandes villes ont connu fin juin-début juillet, il ne s’agissait nullement d’attroupements non déclarés, non autorisés, mais d’actions spontanées menées «à force ouverte» contre les commerces, le mobilier urbain,les établissements publics et bien sûr contre les forces de l’ordre. Nos collègues avaient reçu l’ordre d’y mettre un terme en faisant des interpellations ou pas (?). En outre, il y avait un réel danger de mort car en certains endroits les FDO ont essuyé des tirs à balles réelles, et dans le centre-ville de Marseille, une armurerie a été pillée. Ce sont donc, dans ces circonstances-là, de tension extrême, et de danger de mort avéré pour la police que les affaires Hedi et Mohamed Bendriss sont survenues dans la nuit du 1er au 2 juillet 2023 à Marseille.

  • Les procèdures judiciaires engagées contre les collègues et les placements en détention préventive.

Il a été rappelé aux journalistes, lors de la conférence de presse, que lorsqu’un fonctionnaire de police est mis en cause, notamment en cas d’usage de l’arme de service, deux enquêtes sont mises en oeuvre sur instructions du Parquet, l’une concernant les causes de la mort ou des blessures graves causées lors des faits originaux, confiée généralement à un service d’enquête de la filière d’investigation (puisque la Police Judiciaire n’existe plus) ou à la gendarmerie, et l’autre attribuée à l’Inspection Générale de la Police Nationale (IGPN) ou à l’Inspection Générale de la Gendarmerie Nationale (IGGN), pour déterminer si l’usage de l’arme a été fait dans des conditions réglementaires.

Lorsque les enquêtes sont closes, elles sont rassemblées et confiées à un juge d’instruction (parfois deux) qui continue l’enquête, met éventuellement en examen le ou les policiers présumés coupables, les laissent libres, ou les placent sous contrôle judiciaire , et enfin, éventuellement, et de manière exceptionnelle, le juge de la détention et des libertés (JLD) peut les placer en détention provisoire, ce qui s’est passé pour nos deux collègues de Nanterre et de Marseille.

Cette mesure exceptionnelle de privation de liberté décidée par le JLD (juge de la détention et des libertés), en vertu des articles 143 et suivants du CPP, est décidée quand le mis en cause n’offre pas de garanties suffisantes de représentation, ou bien encore, et notamment, s’il est soupconné de se concerter avec ses collègues (je n’oserai jamais dire «ses complices»), ou bien encore s’il est susceptible d’exercer des pressions sur les témoins et les victimes.

Comment douter que ces garanties-là n’étaient pas remplies pour les affaires de Nanterre et de Marseille , ou bien alors faut-il redouter qu’il y ait d’autres mesures de ce type qui vont être prises car les enquêtes sur d’autres collègues sont loin d’être finies.

Alors exit la présomption d’innocence qui a été foulée aux pieds dans les affaires précitées par le plus haut magistrat de l’Etat, par de nombreux leaders politiques et pour finir par les médias.

Nos deux collègues ont été jetés en pâture à l’opinion publique sans tenir aucun compte des situations d’extrême danger auxquelles ils ont été confrontés lors des actions qu’on leur reproche.

Et notre cher Gérard Darmanin, ministre de l’Intérieur, a beau essayer de se dédouaner en promettant aux syndicats qu’il va proposer de modifier les articles 143 et suivants du code procédure pénale en faveur des policiers, sachant pertinemment qu’il n’y arrivera pas car il aura toutes les hautes cours de justice contre lui.

Comment des magistrats ne trouvent-ils pas leur situation anachronique en laissant d’une part et souvent en liberté des délinquants et des criminels récidivistes ou multirécidivistes, auteurs de viols , d’agressions et de coups mortels aggravés, alors que d’autre part, ils placent en détention provisoire des policiers au passé professionnel irréprochable et qui ont subi par ailleurs des tensions physiques extrêmes…?

Ce qui serait à nos yeux souhaitable, en qualité de retraités de la police, c’est que les affaires mettant en cause les policiers et les gendarmes en cas de légitime défense et d’usage des armes soient confiées à des Pôles Judiciaires, dans chaque Cour d’Appel, composés de parquetiers et de magistrats instructeurs expérimentés dans ces cas d’espèces. Nous ne voulons pas non plus de juridictions spéciales, si les affaires que nous avons analysées doivent aller jusqu’au jugement, il faut que cela se fasse devant les juridictions de droit commun.

Les membres des Forces de l’Ordre ne sont ni au-dessus de la Loi, ni au-dessous.

Le fait qu’ils soient aux termes de la Loi, des agents de «l’autorité publique» entraînant à leur détriment une circonstance aggravante quand ils sont mis en cause, ne doit pas constituer une «épée de Damoclès» suspendue en permanence au-dessus de leurs têtes. S’ils sont des agents de l’autorité publique, et même des agents de la force publique, c’est que ces qualificatifs trouvent leur fondement dans le fait que cette force publique n’appartient qu’à l’Etat qui leur a ensuite déléguée pour maintenir la paix publique et protéger les citoyens.

Enfin, répondant à une question des journalistes qui pensaient que l’IGPN , branche de la Police Nationale, était partiale dans ses enquêtes, nous leur avons prouvé le contraire car leurs officiers de police judiciaire, qui enquêtent à charge et à décharge, ne font aucun cadeau à leurs collègues.

Par ailleurs, ce qui marque l’indépendance de ce service, c’est qu’il est dirigé par une magistrate, Madame Agnès Thibault-Lecuivre.

Soulignons enfin le fait que les missions de police se déroulent quotidiennement sous le contrôle de plusieurs hauts fonctionnaires :

-Madame Agnès Tibault-Lecuivre déjà citée, Directrice de l’IGPN

-Madame Claire Hedon, Défenseure des Droits qui a été journaliste et juriste, puis haut fonctionnaire.

-Madame Dominique Simonnot, Contrôleuse générale des lieux de privation de liberté, qui fut journaliste.

– et enfin M. Christian Vigouroux, président de section au Conseil d’Etat qui exerce les fonctions de Réferent déontologue au Ministère de l’Intérieur.

  • La réaction des collègues après le placement en détention de leurs camarades et qui ont bénéficié de congés de maladie.

Pour exprimer leur mécontentement, les policiers ne bénéficient pas du droit de grève en vertu de leur statut spécial qui date de 1948, seulement du droit de se syndiquer.

Leurs seules possibilités étaient alors, compte tenu de leur grande fatigue après des semaines de suremploi, et de stress, de bénéficier de congés de maladie, congés que des médecins ont dument justifiés et cela sans aucune complaisance.

Qu’il y en ait eu beaucoup à Marseille, Paris, Lyon et dans d’autres grandes villes est la conséquence, sans aucun doute, de cet accablement qu’ils ont ressenti après l’acharnement judiciaire qui s’est abattu sur eux. Ils n’ont pas bénéficié d’arrêts de travail, précisons-le, car les policiers ne prennent pas de plaisir à s’arrêter de travailler, seulement de congés de maladie.

Bien entendu, le «en même temps» présidentiel a été adopté par notre cher Ministre, Gérald Darmanin, car après avoir cajolé les syndicats à Marseille le 27 juillet, il a fait volte-face et a donné pour instructions au DGPN et au Préfet de Police de Paris de signer et de diffuser deux circulaires comminatoires pour menacer de sanctions les fonctionnaires en maladie et les exposer éventuellement à des retenues de salaire. Toutes ces mesures annoncées sont illégales, le seul pouvoir de l’Administration en la matière est de faire exercer des contrôles médicaux par des médecins habilités, et ensuite, le cas échéant d’évoquer le cas des policiers concernés devant les Conseils Médicaux.

D’autres stratagèmes ont été employés par les collègues qui avaient continué de travailler, c’était notamment de se placer en service selon le Code 562 , c’est-à-dire de ne répondre qu’aux appels sur le 17 et aux appels urgents, ainsi que de différer toutes les autres missions, y compris de recevoir les plaintes. Cette façon de faire durant quelques jours a pénalisé un grand nombre de nos concitoyens qui se sont aperçus, à ce moment-là, de l’utilité des services de police.

Une autre piste aurait pu être exploitée, celle en mission d’intervention, et en véhicule de police, de repecter intégralement le code de la route, les feux rouges, les priorités, les stop, car il n’existe aucune dérogation légale à s’affranchir de ces signalisations, seule une tolérance est permise, sauf accident, aux véhicules de police et de secours.

  • L’attitude des syndicats :

Elle a été déplorable alors qu’ils auraient dû monter au créneau plus énergiquement. J’ai essayé de décider le responsable départemental d’Alliance de «monter» une manifestation d’ampleur en sollicitant l’appui de la population, en soutien aux collègues poursuivis. Sa réponse fut que les collègues étaient «fatigués» après des semaines d’emploi pour pouvoir s’organiser, ce que je peux comprendre, mais ma demande visait plutôt à ce que les responsables syndicaux mobilisent la population. Peine perdue..

Donc on a vu toujours les mêmes délégués qui défilent sur les plateaux télé ou en visioconférence à partir de leur domicile ou de leur lieu de vacances, et dont les propos ne sont guère incisifs. Le seul qui m’a paru «faire le job», c’est le dénommé Hergott, responsable syndical du RAID qui a très bien parlé devant le palais de justice de Marseille pour défendre ses collègues et expliquer les difficultés de leurs missions.

Les syndicats, il faut le savoir , tout d’abord, ne représentent que les intérêts de leurs adhérents, alors qu’ils sont censés défendre les intérêts de tous les policiers ; ensuite leur position est bancale, car s’ils ont un pied au milieu de leur base, ils ont leur autre pied avec les responsables de la DGPN et du Ministère pour régler des problèmes de mutations, d’avancement, de cas disciplinaires, et autres…Dans ces conditions, il ne faut malheureusement pas attendre d’eux des positions de soutien très franches.

Par ailleurs, ils se sont montrés incapables de réagir après les accusations récurrentes de racisme, de violences, allant jusqu’à incriminer les policiers de «tuer» des manifestants ou autres personnes, prononcées par des Élus de la République, notamment de la Gauche et de La France Insoumise, comme Jean-Luc Melenchon. Un syndicat qui avait au départ annoncé son intention de déposer plainte contre ce responsable politique, a ensuite renoncé, sous la pression du gouvernement…sans commentaire.

Pour finir, avec une petite anecdote : lors de la conférence de presse du 11 août à Aix, nous nous sommes aperçus qu’un syndicat (Alliance) avait envoyé une observatrice qui ne s’est pas faite connaître, et qui est partie peu avant la fin faire son rapport..sans commentaires ici aussi !.

En conclusion : cette tribune avait du sens, elle a posé les vrais problèmes en plongeant au cœur du mécontentement de nos collègues en activité. La pétition publiée en ligne a recueilli à ce jour presque 18000 signatures, et je pense que la torpeur estivale en a limité l’engouement.

En définitive, les retraités sont toujours là, ils ont montré leur engagement et leur détermination, et ils sont prêts de nouveau à croiser le fer. Ils se rallieront, quand l’heure sera venue, au projet de manifestation prévue pour le 30 septembre à Paris par le collectif qui a été créé récemment « La France aime sa Police».

Marseille le 18 août 2023

Claude DUPONT

Commissaire divisionnaire honoraire

PS : Quelques données significatives publiées par Marianne le 3 août selon les sources du Ministère de l’Intérieur , de la Cour des Comptes , de l’IGPN et de l’ONDRP) :

– en 2022, 13 individus ont trouvé la mort après un refus d’obtempérer suite à un contrôle de police (il y en avait eu 2 en 2021)

– en 2021 : 11 policiers et gendarmes tués en mission ( *recherche personnelle – aucun chiffre donné en 2022)

– nombre de suicides de policiers en 2022 : 34 (* les tentatives n’ont pas été décomptées).

– nombre de blessés parmi les forces de l’ordre : 5164 en 2017 – 6696 en 2020 – 5943 en 2021 (* aucun chiffre n’est donné pour 2022, mais il doit être du même ordre que celui de 2021, quant à 2023, le bilan sera certainement très largement supérieur).

– le taux d’admission au concours de gardien de la paix est passé de 2% en 2014 à 18% en 2020,

-Le temps de formation des gardiens de la paix en école : en 2020, il a été réduit d’un tiers passant de 12 mois à 8, puis il est repassé à 12 mois en 2022 à la suite de nombreuses critiques émanant des commissaires de police sur le niveau des recrues.

-le pourcentage des personnels actifs ayant réalisé les trois séances de tir annuelles réglementaires s’élevait à 62% en 2019.

– le taux de réalisation complet des 12 heures d’entraînement physique annuel réglementaires n’était que de 24% en 2019 chez les agents de la direction générale de la police nationale, et de 14% pour ceux de la Préfecture de police.

– Démissions dans la Police Nationale : 10840 en 2022 ( 34% de plus en quatre ans)

– Salaire mensuel d’un brigadier-chef : 2600 € brut.

– Total d’heures de repos dû aux policiers (regroupant les heures supplémentaires-les heures de repos de pénibilité spécifique et les heures comptabilisées dans les comptes épargne-temps): il s’éleverait à 52 millions d’euros.

Extrait du Rapport de l’Inspection Générale de la Police Nationale en 2021 (seuls chiffres connus à ce jour) – Source : Service d’information et de communication de la Police Nationale :

– 1093 enquêtes judiciaires ouvertes dont 38 enquêtes relatives à l’usage des armes à feu individuelles contre 53 en 2020. A l’issue des enquêtes, à la Préfecture de Police de Paris, 37 condamnations prononcées et 2 relaxes. En province : chiffres non communiqués.

-176 enquêtes administratives ouvertes révélant 728 manquements relevés contre 520 en 2020;

-167 agents de la Police Nationale renvoyés devant le conseil de discipline.

-2162 sanctions prononcées par l’institution policière à la suite de procédures de l’IGPN ou d’autres services se répartissant en :

* 1159 avertissements

* 774 blâmes

* 56 sanctions du 2ème groupe : radiation du tableau d’avancement-abaissement d’échelon(s)-exclusion temporaire de 15 jours -déplacement d’office.

* 98 sanctions du 3ème groupe : rétrogradation au grade inférieur et mutation possible – exclusion temporaire de 3 mois à 2 ans avec sursis possible , non rémunérée et activité lucrative admise.

* 75 mises à la retraite ou révocations.

– 6003 signalements enregistrés sur la plateforme internet dont 933 concernent l’usage excessif de la force, avec 84 agents concernés par une décision administrative à l’issue.

– Evaluation de structures de la Police Nationale : 94 réalisées.

Conclusion : la Police Nationale est une des administrations françaises les plus contrôlées, où les agents sont les plus sanctionnés, et dans laquelle le nombre de révocations et de mises à la retraite d’office est le plus important.

 

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